Elementary, l'une des meilleures séries de son temps

Par Antimuonium

Publié le dimanche 13 mars 2022 à 21:59

Modifié le vendredi 15 avril 2022 à 01:21

Vous connaissez probablement Sherlock Holmes, le célèbre détective britannique né de la plume d'Arthur Conan Doyle. Ce personnage est à l'origine de nombreuses séries télévisées, comme Sherlock avec Benedict Cumbermatch et Martin Freeman. Celle-ci est souvent saluée pour sa proximité avec les œuvres de Conan Doyle.

Attention : cet article contient des spoilers de la série Elementary.

Une autre série télévisée inspirée du personnage est Elementary, réalisée par Robert Doherty. Les personnages principaux sont joués par Jonny Lee Miller (Sherlock Holmes) et Lucy Liu (Joan Watson). Il s'agit d'une adaptation moderne de l'histoire de Sherlock Holmes avec des différences notables avec l'histoire initiale. Le Dr John Watson devient une femme sino-américaine, Joan Watson, et le professeur James Moriarty, ennemi juré de Sherlock Holmes, devient lui aussi une femme dont Sherlock tombe amoureux. La série se déroule à New York (et non plus au Royaume-Uni) et Sherlock Holmes assiste la police de New York (NYPD), de qui il est consultant. Le but ici n'est pas de faire un synopsis détaillé de la série, mais de montrer qu'une œuvre cinématographique peut être excellente sans être très proche des œuvres originales. Mon avis est bien sûr personnel.

Cette série est très différente de la plupart des autres œuvres du cinéma ou de la télévision, et s'intègre très bien dans le contexte des problématiques sociétales actuelles. Voici les quelques points qui font, de mon point de vue, que cette série est une réussite.

Notez que j'ai surtout regardé la version originale (en anglais). Il se peut que les points suivants ne soient pas complètement valables pour la version française, en raison de la traduction.

La cohérence des histoires

Comme la plupart des séries policières, chaque épisode est en général associé à une enquête. Elementary ne fait pas exception à la règle.

On peut tout de même noter que les enquêtes et histoires, souvent assez complexes, sont cohérentes. Il est assez rare de voir des incohérences dans l'histoire, bien qu'elle doive parfois être accélérée et aidée en raison de la contrainte de temps de 40 minutes.

Pas grand-chose à dire là-dessus, j'aimerais ne pas me focaliser sur cette raison car elle est aussi valable pour de nombreuses autres séries télévisées.

Le suspense

La plupart des séries télévisées doit mettre en place le suspense et l'envie de continuer de visionner les prochaines saisons. Pour cela, elles utilisent en général des histoires de plus en plus complexes, improbables, et souvent... farfelues. Un bon exemple est la série Teen Wolf, qui met en scène un adolescent devenant loup-garou après une morsure par un autre loup-garou. Au début de la saison 1, il s'agit de la seule espèce paranormale. Au fil des saisons, la production ajoute de plus en plus de créatures paranormales plus farfelues les unes que les autres : Banshee, Nogitsune, Kitsune, coyote-garou, Kanima, etc. Cela devient vraiment très capillotracté (tiré par les cheveux).

Elementary, de son côté, réussit à conserver son « addiction » au fil des séries, sans avoir besoin de devenir complètement absurde. Bien évidemment, chaque saison a son propre antagoniste, mais les situations de difficulté sont en général différentes, sans pour autant être plus absurdes au fil du temps. Par exemple, la première saison se focalise sur la découverte de la vérité à propos de la mort de l'âme sœur de Sherlock Holmes, qui a en réalité feint sa propre mort car étant une génie du crime. La saison 2 porte sur l'affiliation du frère de Sherlock Holmes avec les services secrets britanniques (le MI6). La saison 3 se termine sur la rechute de Sherlock dans la drogue. La saison 4, suite de la saison 1 en quelque sorte, remet à flots l'organisation criminelle de Moriarty avec un autre leader. La saison 5 a pour objet le démantèlement d'un gang de New York, le SBK, après la mort d'un indicateur de la police au sein du gang. La saison 6 voit l'apparition d'un nouveau proche de Sherlock ayant commis des crimes et dont la mort est attribuée à Joan Watson. Finalement, la saison 7 porte sur l'affront entre Sherlock Holmes et le PDG d'Odker, entreprise très similaire à Google. On voit bien que les histoires sont différentes mais ne sont pas de plus en plus absurdes avec les saisons.

Et surtout... l'ouverture

Mais le point le plus important à mes yeux est l'ouverture d'esprit de la série. Elle intègre très souvent des personnages provenant de ce que l'on pourrait appeler des « minorités » : personnes non blanches, femmes, personnes de la communauté LGBT+, etc.

Tout d'abord, au niveau racisme. Parmi les quatre personnages principaux, deux sont des hommes blancs, une personne est d'origine chinoise, et la dernière est noire. L'intégration d'une personne sino-américaine à la place d'un homme blanc (comme dans l'histoire originale de Conan Doyle) est intéressante. La série n'a pas peur d'inviter régulièrement des personnes de couleur, sans pour autant les dépeindre comme des personnes « mauvaises », « bizarres » ou « délinquantes ».

Ensuite, au niveau féminisme. Bien que le féminisme ne soit pas un thème très présent de prime abord, de nombreuses caractéristiques de fond surviennent. On rappelle que le John Watson de Conan Doyle devient Joan Watson. Mais ce n'est pas tout. Le rôle de méchant dans la première saison est incarné par une femme. Cela peut sembler anodin mais cela est très rare de voir une femme à la tête de quoi que ce soit dans les autres séries ou films. Le fait que ce soit une entreprise criminelle au lieu d'une entreprise ne change rien. La série relève d'ailleurs ce problème, lorsque Jamie Moriarty avoue qu'elle utilise parfois un de ses lieutenants (homme) à sa place, lorsque son genre pose problème envers un client. Elle note toutefois, de manière sarcastique : « comme si les hommes avaient le monopole du meurtre ». De plus, il s'agit d'une des rares séries sans blagues, remarques ou actions qui implique une différence entre les femmes et les hommes. Aucune remarque n'est faite lorsqu'un homme a une voix aiguë par exemple ; de manière similaire, il n'est pas montré des situations où un homme refuse l'accès à une femme à une scène de crime pour « ménager sa sensibilité ». Aucune mention de ce genre de choses. Encore une fois, cela peut être vu comme anodin, drôle et peut ne pas être remarqué, mais ce sont des choses extrêmement rares dans les films ou séries. J'apprécie également le fait que les deux personnages principaux, de genres opposés et bien que très proches, n'ont à aucun moment une relation sexuelle ou amoureuse. Cela est très rare dans une série télévisée ou un film, ou même dans la réalité par malaise ou manque de cautionnement de la part de la société. Elementary montre que cela est possible. La série parle également à plusieurs reprises de violences sexistes et sexuelles (VSS).

Finalement, au niveau de la communauté LGBT+. Je n'irais pas jusqu'à dire que la communauté LGBT+ est représentée aussi fréquemment que dans la réalité mais elle n'est pas invisible non plus. Il doit y avoir environ deux épisodes (sur une grosse vingtaine) avec des personnes LGBT+ chaque saison. Ce qui est intéressant n'est pas la fréquence à laquelle la communauté est représentée, mais la manière dont elle est présentée. Elementary est encore aujourd'hui la seule série ou film que j'ai vu et qui ne fait pas de distinction entre personnes hétérosexuelles et LGBT+. Je ne dis pas cela dans le mauvais sens, au contraire. Dans la plupart des œuvres mentionnant des personnes LGBT+, on insiste souvent sur les différences qu'elles ont avec les autres : certaine façon de s'habiller, de parler, type de travail, stéréotypes, etc. Dans Elementary, les personnes LGBT+ sont parfaitement intégrées dans la société et les discussions avec ces personnes se font exactement de la même manière qu'avec des personnes hétérosexuelles et cisgenres. Pour autant, je ne dis pas que toutes les personnes LGBT+ dépeintes n'ont aucun stéréotype attribué à cette communauté, mais cela fait du bien de voir que l'on ne fait pas la différence. La société doit tendre vers cette caractéristique et ne plus remarquer et faire la différence entre personnes LGBT+ et personnes hétérosexuelles et cisgenres. Notons néanmoins la faible représentation des personnes transgenres, la plupart des personnes LGBT+ de la série étant homosexuelles ou bisexuelles.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, Elementary est et restera une de mes séries préférées (voire la meilleure). Je tiens à saluer le réalisme de la série, et le fait qu'elle nous fait réfléchir sur le monde qui nous entoure, notre façon de penser et de voir les choses, les possibilités de la vie, les relations avec les autres, les stéréotypes, etc.

Image : Elementary. (2012). Elementary intertitle. CBS.

Groupes : Réflexions personnelles
Catégories : Société
Sous-catégories : Discriminations
Mots-clés : Société, Féminisme, Validisme, Racisme, LGBT+phobie

À propos de l'auteur


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Antimuonium

Ingénieur en environnement